Le français comme clé d’avenir : le parcours inspirant de Rosie Benning

  • Événements
  • Éducation

« Tôi tên Hồng; Xozı sìyeh; my name is Rosie; je m’appelle Rosie. »  

C’est par ces mots que Rosie Benning, directrice de l’enseignement et de la formation au Collège Nordique, a ouvert sa présentation à l’événement de Français pour l’avenir, hier, le 7 octobre. En quatre langues — le vietnamien de ses ancêtres, le tłı̨chǫ et le wıı̀lıı̀deh en hommage aux peuples de la terre où elle vit, l’anglais de son enfance et le français de sa carrière — elle a résumé une identité plurielle façonnée par la diversité culturelle et linguistique. 

« J’ai eu la chance de grandir entre plusieurs cultures, plusieurs langues, plusieurs mondes, et je suis reconnaissante de tout ce que chacun m’a transmis », explique-t-elle.  

Son témoignage, livré devant des jeunes de trois écoles de Yellowknife, se voulait une invitation à voir le français non pas comme une simple matière scolaire, mais comme une clé vers les rêves et les opportunités. 

Grandir entre les langues 

Rosie est née en Ontario de parents vietnamiens ayant fui leur pays par bateau. « Jusqu’à l’âge de quatre ans, je ne parlais que vietnamien », raconte-t-elle. L’anglais est ensuite venu avec l’école, et rapidement, le français s’est imposé comme une nouvelle passion. Pourtant, son apprentissage ne s’est pas fait dans un programme d’immersion, mais dans des cours de français de base 

« Souvent, les gens croient que je suis francophone de naissance. Pour moi, c’est un immense compliment. Cela montre qu’avec de la passion et de l’énergie, peu importe d’où on part, on peut aller très loin. » 

L’importance d’avoir du plaisir 

Ses premières expériences en français ont été marquées par le jeu et la découverte culturelle. Elle se souvient d’un séjour scolaire au Québec en 10e année, entre ski, raquette et cabane à sucre : « Je pense que je ne me suis jamais autant gavée de sirop d’érable de ma vie! C’était génial. On riait, on découvrait la culture, et le français était là, partout autour de nous. » 

Quelques années plus tard, Rosie participe au programme Explore, une immersion estivale qui lui fait vivre le français au quotidien.  

« En Ontario, mes amis disaient souvent qu’ils n’utilisaient jamais le français. Mais une fois qu’on rit, qu’on chante ou qu’on voyage en français, il devient inoubliable. » 

Pour elle, le message est clair : apprendre une langue, c’est aussi savoir s’y amuser et la vivre dans des expériences authentiques. 

Le courage de se lancer 

À 19 ans, une amie lui propose de poursuivre ses études en France. « C’était fou! Je n’avais pas d’inscription, pas de logement, et je n’étais pas bilingue. Mais j’ai décidé de foncer. » Ce choix audacieux l’amène à Paris, où elle obtient un diplôme en didactique du français langue étrangère. Malgré les erreurs de parcours — « Je me souviens avoir confondu faits divers avec fées d’hiver » — elle retient que la clé de l’apprentissage est le courage.  

« Vous n’avez pas besoin d’être parfaits pour vous lancer. L’apprentissage est un chemin, pas un examen. » 

Du syndrome de l’imposteur au Nord canadien 

De retour au pays, Rosie postule pour un brevet d’enseignement et se voit acceptée à l’Université de Toronto, considérée à l’époque comme la meilleure au Canada dans ce domaine.  

« Je doutais de moi, mais l’université a vu autre chose : mes origines, mon vécu, mes valeurs. Cela m’a appris que nos notes ne nous définissent pas, que notre histoire et nos passions comptent tout autant. » 

Après quelques années, un autre défi l’attend : s’installer à Hay River, puis à Yellowknife. « Je venais de Toronto et de Paris, et me voilà enceinte, en plein hiver nordique à moins 30 degrés. Mais petit à petit, j’ai découvert la richesse de la vie du Nord. » Aujourd’hui, elle dirige l’enseignement au Collège Nordique, le seul établissement postsecondaire francophone accrédité au nord du 60e parallèle. 

Le français comme clé d’avenir 

Son parcours illustre à quel point le français peut devenir un tremplin professionnel et personnel.  

« Le français est une clé. Il ouvre des portes vers vos rêves, vos carrières et vos communautés. » 

Cet atout se traduit aussi dans des données concrètes. Aux Territoires du Nord-Ouest, une prime bilingue de 1 200 $ par an est offerte aux employés qui fournissent des services dans plus d’une langue, que ce soit le français ou une des langues autochtones des TNO. Des postes comme coordonnateur des services bilingues ou répartiteur médical d’urgence dépassent les 95 000 $ annuels, avec allocation nordique en supplément. À l’échelle nationale, selon Statistique Canada, les Canadiens bilingues gagnent en moyenne près de 10 % de plus que les unilingues. 

« Bref, le bilinguisme, c’est bon pour le portefeuille, pour la carrière et pour le cœur », résume Rosie. 

Des occasions pour aller plus loin 

Rosie rappelle que les jeunes ont accès à de nombreuses ressources pour développer leur français. Les programmes Explore et Odyssey offrent des séjours immersifs partout au pays. Des organismes comme l’AFCY ou Canadian Parents for French organisent des activités sociales et culturelles à Yellowknife et ailleurs. Et pour les études postsecondaires, des établissements comme l’Université de l’Ontario français, l’Université de Hearst, McGill ou le Collège Nordique accueillent celles et ceux qui souhaitent poursuivre en français. 

Ne jamais oublier ses racines 

Enfin, Rosie insiste sur la force des origines. Elle se dit profondément reconnaissante envers ses parents, réfugiés vietnamiens, qui ont bravé la mer pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants. Elle évoque aussi son oncle Quân, dont la connaissance du français et de l’anglais lui a sauvé la vie pendant la guerre du Vietnam.  

« Les langues ne sont pas que des mots. Elles sont des ponts. Elles nous relient les uns aux autres. » 

Son message aux jeunes est simple et puissant :  

« Le courage, ce n’est pas l’absence de peur. C’est avancer malgré la peur. Et vos racines vous donneront toujours la force d’aller plus loin. » 

Le témoignage de Rosie Benning nous rappelle que le français, au-delà d’une compétence scolaire, est une porte ouverte vers des rêves, des carrières et des communautés. Pour celles et ceux qui hésitent encore, peut-être est-il temps de voir le français non comme une contrainte, mais comme une clé vers l’avenir. 

Un événement rassembleur pour la jeunesse 

Ce discours s’inscrivait dans le cadre de l’événement Français pour l’avenir, organisé en collaboration avec l’AFCY, Canadian Parents for French et le programme Explore. Le Collège Nordique remercie chaleureusement Lucas Beaudre, gestionnaire de projets et maître de cérémonie de la journée, ainsi que toutes les personnes qui ont animé les ateliers et activités. Un merci tout particulier aux jeunes présents, dont l’enthousiasme et la participation active ont donné tout son sens à ce forum. Ensemble, partenaires, personnes éducatrices, et élèves démontrent qu’en misant sur le français, on bâtit des ponts solides vers un avenir plus riche, plus ouvert et plus inclusif. 

Publié le 8 octobre 2025